Exhumation de Pablo Neruda à Isla Negra – 8 avril 2013.
Le Chili déterre ses morts.
Quarante ans après le coup d’état de Pinochet et sept ans après la mort de ce dernier, les autorités chiliennes enquêtent pour éclaircir le mystère qui plane autour des décès de certaines personnalités au moment de la dictature.
Après les corps des anciens présidents Salvador Allende et Eduardo Frei Montalva, et du chanteur chilien Victor Jara, c’est au tour de celui de Pablo Neruda de passer entre les mains du service médico-légal de Santiago.
Excitant. Lorsque l’exhumation du fameux poète est annoncée il y a quelques mois en conférence de rédaction, ma collègue Charlotte et moi-même sautons sur le sujet sans même laisser le choix au reste de la rédaction.
Autant vous dire que tout le monde nous a regardées avec des yeux ronds, presque apeurés : qui sont ces dérangées qui veulent passer plusieurs semaines à récolter des informations sur le corps décomposé d’un poète qui a toutes les chances d’avoir été assassiné par un horrible bonhomme ? Surtout lorsque le festival de musique Lollapalooza approche et qu’un tas d’interviews d’artistes sympas et des accréditations à gogo se profilent à l’horizon.
Ils l’ont tous pensé très fort. Cette attirance soudaine pour le morbide m’a moi-même aussi surprise et presque effrayée, je ne vais pas le cacher.
Nous nous sommes donc mises au travail. Recherche des rapports médicaux, certificat de décès, interview des proches du poète, ect… Rapidement, la limite entre notre métier de journaliste et celui des experts Manhattan s’est un peu brouillée dans notre esprit.
Le weekend dernier, direction Isla Negra où se trouve la tombe de Neruda. Levées aux aurores, nous avons fait partie des nombreux journalistes à arriver avant le lever du soleil sur la plage, en face de la maison du poète.
L’entrée à la propriété étant interdite à la presse, il nous a fallu trouver le meilleur spot pour observer la scène. Pas beaucoup d’options, seulement ce gros caillou duquel il est possible de voir une partie du jardin.
Nous sommes donc tous restés perché sur un rocher comme des pingouins de l’Isla Magdalena de 7h à 10h du matin pour essayer d’entrevoir l’avancement des travaux des experts qui de toute manière étaient eux-mêmes cachés sous une tente. Pour être claire, on ne voyait rien, mais plus longtemps on restait dessus, moins on osait changer d’endroit.
Quand les choses sérieuses commencent
Trois heures sur un caillou sans qu’il ne se passe rien, c’est long. Il a fallu s’occuper.
Très vite, un jeu s’est mis en place entre les reporters. La règle, brillante et complexe, s’est imposée à nous de manière évidente, sans même que personne ne se concerte : le dernier journaliste à descendre du caillou a perdu.
Rapidement, certains ont essayé de tricher. Des journalistes de la télévision chilienne, arrivés en retard (original), ont tenté d’acheter un bout de caillou contre des sucettes à la fraise. Pas question de lâcher, l’honneur du Santiago Times est en jeu.
On n’était pas les seuls à mourir de froid et d’ennui d’ailleurs. Dans le jardin, les agents de la PDI (police d’investigations chilienne) ont eux aussi commencé à tourner en rond à l’entrée de la tente recouvrant la tombe. Ils ont du voir qu’on s’amusait bien sur la plage parce qu’ils ont tenté de communiquer avec nous en nous lançant des petits coucous de la main… Très étrange.
Alors que nous avions les caméras braquées sur eux en attendant un peu d’action, ils ont commencé à nous prendre en photo avec leurs Smartphones. Souvent lors de mes reportages pour le Santiago Times, il y a un moment où je me demande ce que je fais là. Et bien voilà, c’est arrivé à ce moment là.
Je précise quand même que Charlotte et moi avions découvert dès le début de nos recherches que le Chili était connu pour ses exhumations peu concluantes. Dans le fond, nous savions très bien que la mort de Neruda ne sera probablement jamais complètement élucidée.
Pas grave, en attendant on s’est bien amusé.
Coucou , me revoilà . Après quelques gros remous dans ma petite vie.
Mais c’est toujours un réel plaisir de te lire.
A bientôt
j’espère rien de trop grave. Des bises